vendredi 6 mars 2009

Evangelion 1.0 : Tou Are (Not) Alone


Le syndrome George Lucas a encore frappé. Autant par perfectionnisme que par appât du gain, Hideaki Anno a accepté de scénariser et superviser le projet Rebuild Evangelion, mi remake mi reload de sa propre série. Etait-ce bien nécessaire ? Un point d'histoire d'abord. Diffusé à partir de 1995, Evangelion c'est à la fois le point d'achèvement et de non retour du mecha, ce sous-genre du manga et de la japanime à base de robots géants pilotés de l'intérieur. Point d'achèvement parce qu'il en reste la vision la plus aboutie d'un point de vue technique comme narratif ; point de non retour parce qu'il scelle la fusion terminale de l'homme et de la machine, de l'âme et de son vaisseau, discours sous-jacent de toute la production du genre (Macross, Gundam, Patlabor...) ici sublimé par un sous-texte psychanalytique. L'importance accordée aux états d'âme des héros plongera d'ailleurs la série dans un magma dépressif, limite neurasthénique, qui n'était autre que celui d'Hideaki Anno lui-même. Une portée introspective et réflexive jusqu'au délire qui débouchera sur une impasse en forme de mise en abyme : appendices suicidaires et sibyllins, les derniers épisodes comme les deux films sortis en salle (Death and Rebirth et The End of Evangelion) dérouteront les spectateurs dans leur volonté manifeste de ne répondre à aucune des questions posées. Série culte, série malade, Evangelion c'est un peu Goldorak piraté par Pessoa.

Histoire de réactualiser le mythe, de conquérir de nouveaux spectateurs et de capitaliser sur ses fans hardcore, Anno a donc accepté de remettre le couvert. En quatre films cette fois. Premier volet de cette tétralogie, Evangelion 1.0 : You are (not) alone condense les six premiers épisodes de la série. Jeune adolescent dépressif, Shinji est l'un des seuls humains capable de piloter EVA, un robot anthropoïde surpuissant. Il devra apprendre à surmonter sa peur et son mal être pour repousser les attaques des Anges, des monstres mystérieux qui cherchent à rayer Tokyo de la carte. Bien plus fluide et digeste que le résumé bordélique de Death and Rebirth, la littéralité de cette reprise n'en reste pas moins décevante. Le replâtrage numérique effectué par les équipes d'Anno ne suffit pas à masquer l'opportunisme mercantile de toute cette opération : mêmes personnages, mêmes dialogues, mêmes cadrages, il ne s'agit ni plus ni moins que d'un update façon Star Wars 1997. Jusqu'au rythme qui n'a pas été repensé pour un long métrage d'1h30 mais simplement dupliqué depuis la série. Résultat, un tempo accumulatif, tout en ellipses et combats répétitifs (on est loin du travail d'adaptation d'Otomo sur Akira), qui pourra paraître obscur à ceux qui n'auraient jamais arpenté les arcanes d'Evangelion. A force de vouloir s'adresser à la fois aux fans de la première heure et aux newbies, Anno prend le risque de ne parler à personne.

Reste le plaisir indéniable de (re)découvrir ce morceau de culture populaire sur grand écran et dans une version rehaussée. Alors que le design de la série commençait à sérieusement s'émousser, ce rebuild accroit le dynamisme de l'ensemble -les fights entre robots en particulier- sans rien sacrifier de l'ambiance névrosée indissociable de la saga. Même si l'on peut légitimement s'interroger sur l'intérêt profond de cette refonte, l'aura de la série innerve chaque image, chaque dialogue, et maintient le tout à flot malgré ses errements et son imagination en berne. En espérant que les épisodes à venir prendront d'avantage de liberté avec le matériau originel. To be continued...