mercredi 14 janvier 2009

No Country for Men


Je lisais ça -brillant d'ailleurs- et je pensais :

Je me demande si le récent cinéma des frères Coen n'est pas tout entier ramassé dans Chigurh, le tueur de No Country for Old Men : un bloc d'étrangeté manifeste, à la frontière de tout, de la folie, de l'humanité, de la monstruosité, zone de friction entre terre et acier trempé, comédie et tragédie dans le même mouvement, une bestiole sans illusion, pure abstraction. C'est son esprit malade, schizo, qui a bavé sur Burn after reading, comme s'il avait fini par contaminer toute la réalité, phagocyter ce qui reste de quotidien. Les personnages du film ne sont que des figures pathétiques, de pures fonctions prises dans les rêts d'une réalité enroulée sur elle-même. Des marionnettes emmêlés dans leurs fils. Plus grand chose de vivant ici, au sens fort qu'on aime à lui donner, juste une pure mécanique ivre de sa propre vitesse, fasciné par son pouvoir d'autodestruction. Plus rien n'a d'importance, d'ailleurs plus rien n'a de sens ("qu'est ce qu'on a appris ? Rien"), les événements s'écroulent comme des dominos sur un champ de bataille, et ne reste que des morts. Chigurh sourit.

Contre toute attente, ce cinéma est pourtant profondément humain. Non pas dans sa manière de le célébrer, mais justement de le nier, de le biffer, de le ravaler au rang de carburant à fiction. Les Coen sont devenus des cinéastes nihilistes qui regardent la réalité en face mais ne s'en satisfont pas. Ils prennent juste acte d'un monde qui a rejeté l'humain à sa périphérie et broie tout sur son passage dans une jubilation aussi vaine que suicidaire. Mais on aurait tort de lire une quelconque satisfaction sur leur visage. Derrière le sourire de façade, leur fatalisme et leur désespoir dressent un même constat d'échec : No Country for Men. Tout court.

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