lundi 15 décembre 2008
Pas faux sur ce point ( la vitesse). A côté pour le reste : Tarantino filme d'adorables cagols, les Coen shoote de misérables crétins. Le braquet est le même, pas la conduite.
jeudi 11 décembre 2008
lundi 8 décembre 2008
104
Puis vérifié sur pièces.
Et le 104 est un tube. Une conduite forcée. S'y matérialise cette glissade permanente des corps, cette impression si contemporaine de passer parce qu'on nous refuse. Je suis un étranger. Ici tout est pure surface, conçu pour nous accélérer, pauvres particules, nous cracher à l'autre bout du canon. L'ambiance hall de gare ou quai d'embarquement n'est pas feinte : le 104 est un non-lieu. Sauf qu'aucun drame ne s'y joue. Pas de départ, ni d'arrivée, rien d'autre que la traversée hébétée du vide, une déambulation glaciale et mortifère (il s'agirait d'un ancien et gigantesque funérarium). Si l'art est rencontre, confluence, synergie (à en croire les responsables de ce truc), il a déserté ces lieux, et l'on ne voit pas comment il pourrait y revenir. Difficile de voir ici autre chose qu'un détachement souverain, qu'une déconnexion, pardon, une sur-connexion spatio-corporelle. De là, sans doute, sa beauté conceptuelle, cette fascinante inclination des lieux à nous considérer comme pure trajectoire plutôt qu'être humain, à nous comprendre dans sa structure comme on y injecterait un fluide. Attention : stationnement interdit.
mercredi 15 octobre 2008
Avatar : the revolution is coming
dimanche 28 septembre 2008
Faubourg 36 : ainsi flonflonflon
Paradigme du cinoche formica, Faubourg 36 se renifle dès les premiers flonflons comme un shoot ultime de naphtaline. L'époque fantasmée (le Front Populaire), l'esthétique en carton (nouvelle qualité française), les acteurs du cru (Jugnot, Cornillac, Kad, Morel), le bal costumé (postiche, marcel ou béret ?), les ritournelles (Yvette Horner aux platines), tout participe de cette impression de point-limite du genre et nous plonge dans les tréfonds d'un Paris d'Epinal maquillée en pub pour assurances... la suite ici
mercredi 24 septembre 2008
Love Gourou : pour le Myers et pour le pire
Inutile de traquer ici la moindre idée de tempo, photo ou mise en scène. Love Gourou se borne à shooter l'abattage de Myers et empile les saynètes informes à un rythme parfaitement mécanique. Le très moyen Rien que pour vos cheveux frayait dans ces mêmes eaux (la comédie débilo-ethnique) il y a quelques semaines, mais sa logique exponentielle le maintenait à flot, juste au-dessus du marasme. Love Gourou n'a même pas ce souci et, lové dans sa bêtise crasse, dévoile progressivement son visage le plus détestable : relancer coûte que coûte la carrière d'une star déclinante. L'embarras est tel que l'on croit parfois reconnaître Mickael Youn sous le déguisement du gourou. RIP Myers.
vendredi 12 septembre 2008
11 septembre : dans complot il y a...
Les théories conspirationnistes autour du 11 septembre
par Phil Mole - Traduction de Yann Kindo - Version intégrale. Version abrégée dans SPS n° 279, novembre 2007. Article initialement paru dans la revue Skeptic (États-Unis, Vol.12, Numéro 4, 2006)
Les thèses conspirationnistes autour du 11 septembre postulent que les attentats ne seraient pas ce que l’on croit communément – une opération terroriste liée à Al-Quaeda – mais une gigantesque manipulation opérée par un secteur du complexe militaro-industriel états-unien cherchant à faire avancer ses intérêts propres. Ces thèses sont pratiquement nées en France, avec la publication en 2002 du livre très médiatisé de Thierry Meyssan, qui expliquait qu’aucun avion ne s’était écrasé sur le Pentagone. Ces thèses ont été rapidement réfutées et décrédibilisées par une contre enquête de deux journalistes de Libération, qui montraient que le « travail » de Meyssan, libre interprétation de documents trouvés sur le Net, ne répondait même pas aux critères minimaux de la démarche journalistique, tels que l’enquête de terrain visant à confronter les différents témoignages [1]. Cette mode conspirationniste n’a depuis cessé de se développer aux États-Unis, avec de nouvelles affirmations fantaisistes relatives cette fois-ci aux attentats de New York sur le World Trade Center. Lorsqu’en décembre 2006 le mensuel Le Monde Diplomatique a publié un article d’un journaliste d’extrême-gauche états-unien dénonçant le ridicule de cette nouvelle variante de la théorie du complot [2], il a essuyé de la part d’une fraction de son lectorat une flambée de lettres de protestations et de désabonnements comme il en avait rarement connu dans son histoire, preuve que ce type de démarche intellectuelle est aujourd’hui vivace dans certains milieux. Parce que ces modes de pensée, malgré leur apparence d’hyper-scepticisme, reposent notamment sur une sélection partiale des sources, un rapport très particulier à la preuve et une volonté de croire qui font écho aux démarches des pseudo-sciences, nos confrères états-uniens de Skeptic [3] ont publié en 2006 un dossier spécial sur le sujet, dont nous a avons repris et traduit un article intéressant et probablement sans équivalent en langue française. En effet, ce texte aborde la réfutation des théories conspirationnistes sous un angle qui n’est plus seulement celui de la cohérence globale d’un point de vue géopolitique ou tout bêtement logique, mais à partir d’un examen systématique des allégations d’ordre scientifique, notamment sur le plan de la physique et de l’ingénierie des bâtiments. Merci à Skeptic de nous avoir autorisés à traduire et reproduire ce document, ainsi que l’’intéressante iconographie qui l’accompagne. YK
Il n’y a là rien de particulièrement inhabituel, puisque tous ces documents sont en vente dans n’importe quelle librairie ou autre magasin près de chez vous. Mais, à ce moment, alors que les portes de la grande salle sont sur le point de s’ouvrir, un participant anxieux tente de lancer un slogan : « 9-11 was an Inside Job » [= « Les attentats du 11 septembre ont une origine intérieure aux États-Unis »]. Quelques personnes se joignent à lui, avant qu’un autre participant ne lui rétorque assez énergiquement : « Mais ça, on le sait déjà ! ».
Le week-end de conférences est la réunion à Chicago de 911truth.org, une des organisations les plus visibles à l’intérieur d’une coalition plus large connue sous le nom de « 9-11 Truth Movement », et la plupart des gens à l’intérieur de cette foule croient que le gouvernement des États-Unis a planifié et orchestré les attaques terroristes du 11 septembre 2001. L’affirmation : « On le sait déjà » résume bien l’attitude des participants à l’égard des données exposées au cours des conférences. Beaucoup d’entre eux ne semblent pas être à la recherche de nouvelles informations qui déboucheraient sur une compréhension plus exacte des événements du 11 septembre. Une personne assise près de moi l’admet : « On connaît déjà tous ces trucs ; nous sommes ici pour confirmer ce que nous savons déjà ». La conférence est un moyen pour les participants de souder leur identité de groupe, et d’essayer de diffuser leur message auprès de ceux qui, aux États-Unis et ailleurs, croient la « version officielle » des événements du 11 septembre.
En tant que personne qui ne partage pas les vues du 9/11 Truth Movement, j’ai un autre objectif. Je veux entendre leurs arguments et examiner leurs preuves, et comprendre les raisons pour lesquelles tant de personnes sympathiques et par ailleurs intelligentes sont convaincues que le gouvernement des États-Unis a planifié le meurtre de près de 3 000 de ses propres citoyens.
L’effondrement des bâtiments 1 et 2 du World Trade Center
Quand la plupart d’entre nous se remémorent les événements du 11 septembre, nous pensons à l’image de ces deux – pourtant apparemment indestructibles – tours du World Trade Center en train de s’effondrer au sol. Sans surprise, leur effondrement est aussi une question centrale pour le 9/11 Truth Movement. Une grande majorité des discussions et du matériel de propagande de l’organisation est relative à la chute des Bâtiments 1 et 2. Mais, comme ce matériel le montre, 911truth.org ne croit pas la version officielle selon laquelle les dommages décisifs infligés au WTC se sont produits lorsque deux avions détournés par des terroristes se sont écrasés sur les tours. Au lieu de cela, ils prétendent que les tours sont tombées suite à une démolition contrôlée, planifiée au préalable par le gouvernement des États-Unis.
Pourquoi pensent-ils une chose pareille ? Une raison essentielle semble être le fait que l’effondrement des tours ressemble au produit d’une démolition contrôlée. Puisqu’il n’y a pas de résistance structurelle à la gravité lors d’une démolition contrôlée, le bâtiment s’effondre directement sur ses propres bases, chaque étage venant brutalement atterrir sur celui de dessous à une vitesse approchant celle de la chute libre. De nombreux intervenants à la conférence de l’hôtel Hyatt comparaient des vidéos de l’effondrement des tours avec des vidéos de démolitions contrôlées connues, pointant les ressemblances tant au niveau de l’apparence que de la vitesse de la chute. 911truth.org affirme que si elle avait été effectivement heurtée par un avion, la structure métallique des bâtiments du WTC aurait dû fournir au moins une résistance minimale au poids des étages supérieurs, obligeant la structure en chute à culbuter d’un côté plutôt que de s’écraser tout droit vers le bas. Ils expliquent ensuite que les incendies causés par le carburant en feu provenant des avions qui s’étaient écrasés n’ont pas pu provoquer l’effondrement puisque le carburant des avions brûle à une température de 1500 degrés Fahrenheit [816 ° Celsius] [5], alors que pas moins de 2800° Fahrenheit [1538° Celsius] sont nécessaires pour faire fondre l’acier. David Heller développe cet argument dans un article diffusé à une large échelle : « La version officielle prétend que les incendies ont affaibli les bâtiments. Le carburant des avions a soi-disant brûlé à une telle température qu’il a fait fondre les colonnes d’acier qui soutiennent le bâtiment. Mais les gratte-ciels à structure métallique ne se sont jamais effondrés du fait d’un incendie, car ils sont faits d’un acier qui ne fond pas en dessous de 2750° Fahrenheit. Aucun carburant, pas même celui d’un avion, qui est en fait du kérosène raffiné, ne produira une température supérieure à 1500° Fahrenheit. » [6]
La zone encerclée montre les prétendus « squibs », en réalité de l’air comprimé par la chute du bâtiment.
Enfin, un certain nombre de leaders du mouvement affirment que des « squibs » de démolition peuvent être observés sur des vidéos de la chute du WTC juste avant et au moment où les tours commencent à tomber. Dans le jargon des professionnels de la démolition, un « squib » est un dispositif explosif utilisé pour affaiblir la structure d’un bâtiment pendant une démolition contrôlée. Plusieurs intervenants à la conférence pointaient de petites giclées de débris pulvérisés horizontalement lors de la chute, et les identifiaient comme des « squibs » mis à feu en secret pour faire tomber les bâtiments.
Que penser de ces allégations ?
Tout d’abord, examinons les aspects semblables de l’effondrement des tours du World Trade Center et de l’effondrement de bâtiments détruits lors de démolitions planifiées. Dans les démolitions contrôlées, les charges explosives affaiblissent ou brisent tous les points porteurs de la structure en même temps. Par conséquent, une fois que la chute commence, toutes les parties du bâtiment sont simultanément en mouvement, en chute libre vers le sol. Pourtant, ce n’est pas du tout ce qui s’est passé lors de la chute des bâtiments du WTC. Regardez attentivement les films des chutes, et vous constaterez que les parties des bâtiments situées au dessus des points d’impact des avions commencent à tomber d’abord, alors que les parties les plus basses des bâtiments ne sont d’abord pas ébranlées. Les parties des tours situées en dessous du point d’impact ne commencent à tomber que lorsque les étages supérieurs se sont effondrés sur eux. Ce n’est pas ce à quoi l’on s’attendrait si les tours s’étaient effondrées du fait d’une démolition contrôlée, mais c’est exactement ce à quoi il faut s’attendre si l’effondrement est la conséquence des dégâts causés par l’impact des avions et par les incendies consécutifs. Un théoricien du complot pourrait répliquer que les bâtiments ont été équipés en explosifs pour commencer à tomber par le haut d’abord, mais quelles sont les chances pour que ceux qui ont planifié une démolition si compliquée soient capables de prévoir les endroits exacts où les avions viendraient heurter les tours, et donc de préparer les tours pour qu’elles commencent à s’effondrer précisément à cet endroit ?
De plus, les images de l’effondrement de la Tour Sud, ou Bâtiment 2, montrent que la tour n’est pas tombée tout droit, à la manière des chutes caractéristiques de la tour Nord et des bâtiment rasés lors d’une démolition contrôlée. Au contraire, la tour a penché dans la direction du point d’impact avant de commencer à s’écrouler vers le bas, avec la partie supérieure du bâtiment inclinée de manière à former un angle. La différence entre les deux effondrements peut s’expliquer par la manière dont chaque avion a heurté les bâtiments. Le premier avion a touché la tour Nord (Bâtiment 1) entre les 94e et 98e étages, et l’a heurté de plein fouet, s’encastrant quasiment directement jusqu’au cœur du bâtiment. Le deuxième avion a heurté la tour Sud entre les 74e et 78e étages, mais s’est encastré de biais, endommageant gravement tout le coin nord-est du bâtiment [7]. Comparée à la tour Nord, la tour Sud a subi des dommages qui étaient à la fois moins également répartis et nettement plus bas dans la structure, obligeant le point affaibli à supporter plus de poids de la partie supérieure que le point de crash correspondant sur la tour Nord. Ceci explique à la fois l’inclinaison du bâtiment lorsqu’il est tombé du côté du point affaibli, et le fait que la tour Sud soit tombée la première alors qu’elle avait été touchée après la tour Nord. Encore une fois, ce scénario prend tout son sens si les bâtiments sont tombés à cause des dommages causés par les crashs des avions, mais n’en a pas beaucoup si les bâtiments sont tombés du fait d’une démolition planifiée.
Le 9/11 Truth Movement affirme ou sous-entend souvent que l’acier à dû fondre pour que la structure s’effondre à la vitesse d’une chute libre. Alors que leurs estimations de la température de l’incendie du WTC varient, la plupart d’entre eux sont d’accord pour dire que la température a probablement atteint 1000° Fahrenheit [538° Celsius] et peut être dépassé les 1800° [982° Celsius]. Des flammes de cette températures seraient en peu en dessous des près de 2800°F [1537°C] nécessaires pour faire fondre l’acier, mais elles auraient été suffisantes pour profondément réduire l’intégrité structurelle du métal. Les meilleures estimations scientifiques nous apprennent que l’acier perd 50 % de sa résistance à 650°C et peut perdre jusqu’à 90 % de sa résistance à des températures de 980°C [8]. Même si nous imaginons des températures pas plus élevées que 538°C au cours de l’incendie, nous aurions toujours des raisons plus que suffisantes pour s’attendre à un endommagement assez sévère pour déboucher sur un éventuel effondrement.
La structure originale des tours du WTC a amplifié les problèmes posés par l’affaiblissement de l’acier. Les tours avaient une façade légère composée de tubes verticaux liés entre eux par une ossature légère constituée de 244 colonnes extérieures en acier ; il s’agissait donc d’un maillage comprenant 95 % de vide [9] (voir le dessin). À l’intérieur de ce périmètre de tubes, il y avait un cœur de 27 mètres sur 40, conçu pour fournir un soutien supplémentaire à la tour. Des portiques triangulés d’acier, ou des poutres, rattachaient les structures extérieures au cœur sur chaque niveau, et fournissaient une part importante du soutien du poids de chaque étage. L’impact et l’explosion des avions ont probablement réduit à néant l’essentiel des matériaux d’isolation qui ignifugeaient les poutres métalliques, accroissant considérablement leur vulnérabilité face aux flammes. Le cœur des flammes a ramené l’acier à une fraction de sa résistance initiale, tout en provoquant une dilatation des poutres triangulées à chaque extrémité, jusqu’à ce qu’elles ne puissent plus supporter le poids des étages du bâtiment, ce qui a déclenché l’effondrement. La dilatation et la déformation de l’acier ont dû être particulièrement importantes du fait des différences de températures à l’intérieur de la structure [10]. Ainsi, les poutres composées se sont ramollies comme une corde à linge détendue, n’offrant pas ou presque pas de résistance au poids des étages supérieurs.
Qu’en est-il de l’« acier fondu », qui selon les conspirationnistes était présent sur Ground Zero ? L’article très populaire de Steven Jones cite plusieurs sources orales évoquant de l’acier fondu coulant ou agrégé ayant été retrouvé à Ground Zero [11]. Toutefois, les sources en question sont des observations informelles d’« acier » à Ground Zero, et pas des résultats de laboratoire [12]. Pour beaucoup de gens, n’importe quel métal grisâtre ressemble suffisamment à de l’acier pour être appelé « acier » dans le langage courant. Pour établir effectivement que le matériau en question est de l’acier, nous avons besoin des résultats d’une analyse en laboratoire utilisant l’Absorption Atomique (AA) ou un autre test fiable. Il semble beaucoup plus probable que le métal vu par les nettoyeurs ait été de l’aluminium, un composant de la structure du WTC qui fond à une température bien plus basse que l’acier et qui lui ressemble beaucoup à première vue. Quant aux « squibs » que les conspirationnistes disent apercevoir sur les vidéos de l’effondrement du WTC, il s’agit de panaches de fumée et de débris éjectés des bâtiments par l’intense pression liée aux millions de tonnes de tours en chute (voir Figure 1). Les vidéos de l’effondrement du WTC montrent que ces panaches n’apparaissent qu’après que les tours ont commencé à tomber et leur intensité augmente au fur et à mesure de la chute – ce n’est pas le genre de scénario auquel on peut s’attendre si les panaches étaient des explosions provoquées pour faire s’effondrer les bâtiments.
L’effondrement du bâtiment 7 du WTC
« Pas si vite ! », pourrait répliquer le 9/11 Truth Movement. Comment expliquez-vous l’effondrement du Bâtiment 7 du WTC, qui n’a pas été heurté par un avion ? De nombreux conspirationnistes à propos du 11 septembre prétendent que la chute du bâtiment à à peu près 17h20, le 11 septembre, n’aurait pas pu avoir lieu si celui-ci n’avait pas été préparé pour une démolition. Les conspirationnistes partent de l’idée selon laquelle les dégâts subis par le bâtiment 7 au cours de l’attaque n’ont pas pu être suffisants pour provoquer un effondrement. Le site wtc7.net affirme que « des incendies ont été observés dans le bâtiment 7 avant son effondrement, mais ils étaient isolés dans de petites parties du bâtiment et étaient minuscules comparés à ceux des autres bâtiments. ». Ils affirment ensuite que tous les dommages causés par des débris en chute provenant des bâtiments 1 et 2 auraient dû être symétriques pour déclencher l’effondrement brutal du WTC7 [13]
Les sauveteurs à Ground Zero ont réalisé dès 15h00 le 11 septembre que les dégâts importants causés à la partie basse du WTC7 provoqueraient son effondrement, un fait qui est évoqué dans les informations télévisées du moment [15]. Les films vidéo montrent que quand l’effondrement s’est produit, le mur Sud du bâtiment a cédé en premier, ce qui est exactement ce à quoi on aurait pu s’attendre en fonction de la localisation des dégâts les plus importants. Comme pour l’effondrement de la Tour Sud, les mécanismes de la chute du bâtiment sont entièrement concordants avec la nature des dommages subis. L’hypothèse de la démolition planifiée, par contre, ne parvient pas à expliquer pourquoi l’effondrement a commencé exactement à l’endroit où les dommages ont été infligés, puisque les conspirateurs auraient dû être capables de prédire exactement à quel endroit les débris de l’effondrement des tours Nord et Sud auraient frappé le WTC7. Et, alors que les réalisateurs du documentaire Loose Change affirment que le WTC7 « s’est effondré verticalement, en un amas pratique », la vérité est que le tas de débris représentait une hauteur de 12 étages, sur 150 mètres, loin de l’« amas pratique » décrit par les conspirationnistes [16].
Pour ceux qui croient que la chute du bâtiment 7 était due à une démolition contrôlée, certaines des « preuves » les plus significatives proviennent apparemment de la prétendue « confession » du bailleur du WTC, Larry Silverstein, selon laquelle il a autorisé la destruction de la tour. La citation en question provient d’un programme télévisé de PBS datant de septembre 2002, intitulé America Rebuilds, et dans lequel Silverstein dit : « Je me souviens d’avoir reçu un coup de téléphone du, heu, chef des pompiers, me disant qu’ils n’étaient pas sûrs d’être capables de contenir le feu, et j’ai répondu : « Hé bien, nous avons déjà eu une si terrible perte de vies humaines, peut être que ce qu’il y a de mieux serait de le retirer [pull it] ». Et ils ont pris cette décision de retirer [pull], et nous avons regardé le bâtiment s’écrouler » [17]
Pour les conspirationnistes comme Alex Jones sur prisonplanet.com, cette citation semble être de la dynamite, puisqu’ils interprètent l’expression « to pull it » comme étant « dans le jargon de l’industrie le terme utilisé pour l’idée de faire s’écrouler un bâtiment à l’aide d’explosifs » [18]. Silverstein semble donc dire que lui et les pompiers ont décide de détruire le bâtiment 7, et l’ont regardé s’écrouler après qu’il ait autorisé la démolition. Les conspirationnistes prolongent ainsi leur argumentation : aucun bâtiment ne pouvant être détruit si rapidement, le WTC7 a dû être préparé pour cela longtemps à l’avance.
Si l’on y regarde de plus près, cette preuve paraît-il dévastatrice ne semble pas signifier ce que croit le 9/11 Truth Movement. On est loin d’un accord unanime dans l’industrie sur le fait que l’expression « pull it » ferait toujours référence à une démolition contrôlée – des expressions plus précises comme « pull away » seraient plutôt utilisées pour désigner ce type d’opération à conduire [19]. Et, évidemment, « pull » a beaucoup de sens différents dans le langage courant qui ne doivent rien au jargon de la démolition. Mais si Silverstein ne décrivait pas une décision de détruire le WTC, que pourrait alors signifier l’expression « pull it » ? Un bon endroit où trouver la réponse est la déclaration du 9 septembre 2005 de Mr Dara McQuillan, un porte-parole de Larry Silverstein : « Dans l’après-midi un 11 septembre, Mr Silverstein a parlé au chef des pompiers sur le site du bâtiment 7 du World Trade Center. Le chef a dit à Mr Silvertsein qu’il y avait plusieurs pompiers en train d’essayer de contenir le feu à l’intérieur du bâtiment. Mr Silverstein a exprimé l’opinion selon laquelle la chose la plus importante était de garantir la sécurité des pompiers, y compris au besoin en les évacuant hors du bâtiment. Plus tard dans la journée, le chef a ordonné le retrait des pompiers hors du bâtiment et celui-ci s’est effondré à 17h20. Aucune vie n’a été perdue dans le bâtiment 7 du World Trade Center le 11 septembre 2001. Comme signalé auparavant, quand Mr Silverstein a rapporté ces événements pour un documentaire télévisé, il a dit : “J’ai dit : vous savez, nous avons déjà eu une si terrible perte de vies humaines, peut être que ce qu’il y a de mieux serait de le retirer [pull it]”. Mr McQuillan a expliqué que, par « le » [it], Mr Silverstein faisait référence au groupe de pompiers qui était encore à l’intérieur du bâtiment (souligné par nous) » [20].
Au contraire, la version avancée par le 9/11 Truth Movement est criblée de lacunes. Elle prétend que Larry Silverstein a fait détruire le bâtiment 7 du World Trade Center, probablement pour réclamer d’importantes sommes à sa compagnie d’assurance. Mais si tel avait été le cas, pourquoi révèlerait-il au monde son complot dans une émission de PBS ? De plus, quel lien aurait Larry Silverstein avec le gouvernement des Etats-Unis, qui, selon les conspirationnistes, a détruit les bâtiments du WTC dans le but de provoquer par la panique l’acceptation par les citoyens d’un état policier [23] ? Et si le gouvernement a planifié la démolition des bâtiments du WTC pour provoquer la peur parmi les citoyens, pourquoi à cette seule et unique occasion a-t-il attendu que tous les occupants du bâtiment aient été évacués, de telle manière qu’il n’y ait pas de blessé [24] ? La stratégie du gouvernement apparaît très inconstante dans la version du Truth Movement – tuer près de 3000 personnes dans la destruction des deux tours principales, tout en offrant tout un après midi aux occupants du bâtiment 7 pour pouvoir s’échapper. Nous devrions aussi remarquer que le complot du 11 septembre apparaît inutilement compliqué, puisque le bâtiment a été miné en vue d’une démolition contrôlée et pris pour cible par des avions – pourquoi ne pas avoir simplement mis en œuvre la démolition contrôlée, laissé les avions de côté et faire accuser des terroristes de leur choix ?
À gauche, l’image de l’immeuble WT7 souvent montrée par les partisans du 9/11Truth Movement pour prouver les faibles dommages du bâtiment. À droite, le même immeuble vu de l’autre côté et montrant les dommages structurels réels.
Il y a également le problème, que même le 9/11 Truth Movement est obligé de reconnaître, qui est que préparer un bâtiment pour une démolition contrôlée nécessite beaucoup de temps et d’efforts. Généralement, un bâtiment désigné pour une démolition est abandonné depuis un bon moment et a été partiellement vidé pour permettre aux explosifs d’être en contact serré avec la structure même du bâtiment. Mais, puisque tous les bâtiments du WTC ont été pleinement occupés jusqu’au 11 septembre, comment le gouvernement a-t-il pu trouver un accès nécessaire à la préparation des trois tours pour une démolition complète sans que personne ne remarque rien ? Imaginez ce que représente d’essayer d’installer furtivement des câbles et des bombes dans un bâtiment pendant que des milliers de gens travaillent dans les bureaux, utilisent les ascenseurs et s’activent dans les couloirs – un tel scénario est extrêmement improbable.
Beaucoup de gens dans le 9/11 Truth Movement croient que le Pentagone n’a pas été heurté par le vol 77, comme la « version officielle » le prétend. Au lieu de cela, ils croient que le gouvernement des États-Unis a d’une manière ou d’une autre organisé les destructions, peut être par l’utilisation d’une bombe ou le tir d’un missile. Cette hypothèse a d’abord attiré l’attention à travers le livre de l’auteur français Thierry Meyssan, Pentagate [L’Effroyable Imposture], qui prétend que les dommages causés au Pentagone étaient trop circonscrits pour avoir été le produit du crash d’un Boeing 757 [25]. Le documentaire Loose Change prétend que le trou fait dans le Pentagone par le prétendu avion était « un trou unique, de pas plus de 16 pieds [5 mètres] de diamètre », et qu’aucun reste quelconque de l’avion n’a été retrouvé sur le site du crash [26]. Pour théâtralement soutenir cette dernière affirmation, les conspirationnistes citent le témoignage du correspondant de CNN Jamie McIntyre sur le site du crash le 11 septembre, qui affirme : « D’après mon examen du terrain, il n’y a pas d’indication d’un avion s’étant écrasé en un lieu quelconque proche du Pentagone » [27].
À la manière des arguments discutés plus hauts selon lesquels les dommages infligés au bâtiment 7 du WTC n’étaient pas suffisants pour le faire s’effondrer, les critiques relatives à la taille du trou fait par le vol 77 dans le Pentagone reposent sur un choix très sélectif de la perspective. Les conspirationnistes aiment renvoyer à des photos du Pentagone endommagé dans lesquelles le trou fait par l’avion apparaît étroit, mais aiment beaucoup moins celles dans lesquelles l’étendue complète des dégâts apparaît clairement. Certains conspirationnistes ne semblent pas non plus satisfaits de la forme du trou, qui ne correspondrait pas à celle attendue pour un crash d’avion. Mais l’idée selon laquelle l’avion aurait dû laisser dans le bâtiment une forme aisément reconnaissable est une illusion – un Boeing 757 en pleine vitesse ne laissera pas dans le bâtiment en béton une empreinte de lui-même comme un ange tombé dans la neige (contrairement à ce qui s’est passé pour les bâtiments du WTC, dont l’extérieur était largement constitué de verre, et qui ont effectivement intégré la forme de l’avion.). Et la polémique autour du fait qu’aucun reste du vol 77 n’a été retrouvé sur le site du crash est tout simplement grotesque. De nombreuses photos prises dans la zone autour du site du crash sur le Pentagone montrent clairement des débris de l’avion éparpillés. Dans un excellent article de Popular Mechanics à propos des théories du complot autour du 11 septembre, l’expert en explosions Allyn E. Kilsheimer décrit ses propres observations en tant que premier ingénieur en bâtiments à être arrivé au Pentagone après que le vol 77 se soit écrasé : « J’ai vu les marques des ailes de l’avion sur la façade du bâtiment. J’ai ramassé des morceaux d’avion avec des identifications de la compagnie d’aviation sur eux. J’ai tenu de ma main la queue de l’avion et j’ai retrouvé la boîte noire ».
Le témoignage oculaire de Kilsheimer est soutenu par des photos de l’épave de l’avion à l’intérieur et à l‘extérieur du bâtiment. Kilsheimer ajoute : « J’ai tenu dans mes mains des morceaux des uniformes de l’équipage, avec des morceaux de corps. C’est bon, maintenant ? » [28].
Mais, s’il y a tant de preuves qu’un avion s’est écrasé sur le Pentagone, pourquoi le correspondant de CNN Jamie McIntyre rapporte-t-il qu’il n’en a trouvé aucune ? La réponse est que McIntyre n’a pas du tout dit cela, et le 9/11 Truth Movement une fois de plus manipule sélectivement les preuves pour les faire coller avec ses conclusions. Quand McIntyre a spécifié qu’aucun débris d’avion n’était visible près du Pentagone, il répondait à une question précise posée par la présentatrice de CNN Judy Anchor. Le Vol 77 s’est approché en volant très bas, et il y avait des interrogations quant au fait que l’avion ait pu toucher le sol juste avant de heurter le Pentagone. La réponse de McIntyre, quand elle est citée dans sa totalité, montre clairement qu’il était en train d’expliquer qu’il n’y avait pas de signe que l’avion avait heurté le sol avant de heurter le Pentagone, mais il ne nie absolument pas le fait que l’avion a frappé le Pentagone lui-même : « WOODRUFF : Jamie, Aaron parlait tout à l’heure – ou l’un de nos correspondants parlait tout à l’heure – je pense – en fait c’était Bob Franken – avec un témoin qui disait qu’il semblait que le Boeing 757, l’avion de l’American, l’avion de l’American Airlines, s’est écrasé un peu avant le Pentagone. Pouvez-vous nous donner une meilleure estimation de à quel point l’avion a effectivement touché le bâtiment ?MCINTYRE : Vous savez, cela a pu apparaître de cette manière, mais d’après mon examen du terrain, il n’y a pas d’indication d’un avion s’étant écrasé en un lieu quelconque proche du Pentagone. Le seul endroit est en fait l’endroit du bâtiment qui a été heurté (souligné par nous), et, comme je l’ai dit, les seuls morceaux visibles qui restent sont si petits que vous pouvez les ramasser avec votre main. Il n’y a pas de grands morceaux de la queue, des ailes ou du fuselage, rien de tel nulle part aux alentours, ce qui semble indiquer que l’ensemble de l’avion s’est écrasé sur le côté du Pentagone et a fait s’effondrer cette façade du bâtiment. (souligné par nous) » [29].
Remarquez que McIntyre ne remet jamais en cause le fait qu’un crash d’avion a endommagé le Pentagone, et il précise ainsi, dans une partie précédente de la retranscription faite par CNN, avoir vu plusieurs morceaux de l’engin autour du lieu du crash [30]. Bien sûr, cela n’a pas empêché les conspirationniste de sélectionner et de choisir des informations pour faire progresser leurs objectifs.
Le vol 93 et autres anomalies supposées.
Le 5 avril 2006, les créateurs du documentaire conspirationniste Loose Change et leurs supporters ont décidé d’assister à la première du film United 93 [En France : Vol 93], consacré à l’avion détourné qui s’est écrasé le 11 septembre. Ils voulaient saisir cette occasion pour dénoncer de prétendus mensonges à propos de ce vol, et, selon les mots d’un participant au forum Loose Change, « mordre ces bâtards là où ça fait mal, et faire se retourner contre eux ce film sur le vol 93 [31] ». Pour beaucoup d’Américains, les passagers du Vol 93 qui ont affronté les terroristes et ont fait s’écraser l’avion avant qu’il ne puisse atteindre sa cible sont des héros, mais le 9/11 Truth Movement voit les choses différemment. Selon le théoricien du complot auquel vous vous adressez, vous apprendrez soit que le Vol 93 a atterri sans dommage, soit qu’un jet de l’armée américaine a abattu l’avion en plein vol [32]. La première idée prend sa source dans une confusion entre le vol 93 et le vol 1989 dans le communiqué initial de l’Associated Press (AP), le second vol s’étant effectivement posé à l’aéroport Hopkins de Cleveland le 11 septembre. L’AP a ensuite corrigé cette erreur, mais beaucoup de conspirationnistes n’en ont pas fait autant [33]. La deuxième idée repose largement sur l’affirmation sans preuve que l’essentiel du moteur et d’autres larges parties de l’avion ont été dispersées à des kilomètres du site principal de l’épave – trop loin pour être le résultat d’un crash ordinaire. Ceci est erroné, parce que le moteur a été retrouvé à seulement 275 mètres du site principal du crash, et sa localisation était en adéquation avec la direction dans laquelle l’avion volait [34]. De plus, la boîte noire du vol a enregistré la bagarre à bord avant que l’avion ne s’écrase. Les conspirationnistes se retrouvent avec une théorie non seulement sans preuve valable, mais également embrouillée. Pourquoi le même gouvernement qui a selon eux détruit le WTC aurait-il abattu le vol 93 avant qu’il ne puisse causer des dommages similaires à d’autres bâtiments ? Bien sûr, cette question présuppose une ambition de cohérence logique qui semble faire défaut au 9/11 Truth Movement.
Une autre prétendue anomalie à propos d’un vol concerne le supposé ordre de retrait donné le 11 septembre 2001 par le NORAD (North American Aerospace Defense Command) pour permettre aux avions détournés d’atteindre leur destination sans encombre. Le 9/11 Truth Movement croit que le NORAD avait la capacité de localiser et d’intercepter les avions le 11 septembre, et son échec à le faire témoigne de la conspiration gouvernementale pour permettre aux attentats de se produire. Pour étayer cette affirmation, ils prétendent que le NORAD aurait pu rapidement neutraliser les avions détournés, puisque les interceptions d’avions sont pour eux une tâche banale, avec 67 actions de ce type réalisées avant le 11 septembre [35]. De manière symptomatique, cette argumentation ne précise pas la période de temps au cours de laquelle ces interceptions ont été réalisées, ni ne nous dit si elles ont eu lieu près de grandes villes ou ailleurs, disons à des kilomètres au milieu de l’océan. Une information plus précise et plus exacte est donnée par l’article de Popular Mechanics, qui explique : « Dans les décennies précédant le 11 septembre, le NORAD a intercepté seulement un avion civil au-dessus de l’Amérique du Nord : le jet privé du golfeur Payne Stewart, en octobre 1999. Avec les passagers et l’équipage inconscients du fait de la décompression de la cabine, le contact radio a été perdu avec l’avion, mais le contact par transpondeur a été maintenu jusqu’au crash. Mais, même ainsi, il a fallu 1 heure et 22 minutes à un F16 pour atteindre l’avion ciblé » [36].
Ce n’est pas une chose aisée et rapide que de localiser et d’intercepter un avion à la trajectoire erratique. Le personnel du NORAD doit d’abord essayer à plusieurs reprises d’établir le contact avec l’appareil pour éliminer l’hypothèse d’un problème banal, et doit ensuite contacter le personnel militaire approprié pour faire décoller rapidement des avions de combat et les diriger au bon endroit. La situation le 11 septembre était de plus compliquée par le fait que les terroristes à bord des avions détournés avaient éteint ou endommagé les radars transpondeurs. En l’absence d’un signal transpondeur permettant d’identifier les avions, chaque avion détourné n’aurait été sur les écrans du NORAD qu’un spot mouvant parmi tant d’autres, le rendant d’autant plus difficile à suivre à la trace. Ainsi, même une décision immédiate du NORAD d’intercepter l’un des avions détournés le 11 septembre aurait malgré tout nécessité un laps de temps important jusqu’à ce qu’elle soit exécutée – et ce temps n’était simplement pas disponible ce 11 septembre.
Une autre théorie prétend que la FEMA [Agence Fédérale de Gestion de Urgences] est venue au World Trade Center le 10 septembre 2001, témoignant ainsi du fait que le gouvernement était au courant du désastre à venir. Cette allégation se fonde sur un témoignage de Tom Kennedy, du corps expéditionnaire du Massachusetts, qui a déclaré au présentateur de CBS Dan Rather, le 13 septembre 2001 : « Nous sommes actuellement, heu, une des premières équipes qui a été envoyée pour soutenir la ville de New York au cours de ce désastre. Nous sommes arrivés, heu, tard dans la nuit de lundi, et nous sommes entrés en action mardi matin. Et nous n’avons pas eu la possibilité avant aujourd’hui de travailler, heu, sur l’ensemble du site. [39] ». L’explication très banale de cette phrase est que M. Kenney a confondu les jours – ce qui n’est pas inhabituel pour quelqu’un qui vient de travailler pendant plus de deux longues journées dans des activités de secours d’urgence. Ainsi, une interprétation très simple du propos de Kenney est qu’il est arrivé à Ground Zero le 11 septembre (qu’il a faussement identifié comme un lundi plutôt qu’un mardi), qu’il est entré en action le 12 septembre (identifié par erreur comme un mardi), et n’a pas pu commencer à travailler sur l’ensemble du site avant « aujourd’hui » (le jour auquel il parlait à Dan Rather, soit jeudi le 13 septembre). De plus, plusieurs sources enregistrent l’arrivée de la FEMA le 11 septembre, et la femme de Kenney a confirmé que le jour auquel son mari a été envoyé à Ground Zero était bien le 11 septembre [40]. Le degré auquel le 9/11 Truth Movement est capable d’exagérer et de manipuler de simples erreurs ne témoigne justement pas d’un très grand souci de la recherche de la « vérité ».
Une grande part de cet article a été consacrée aux explications données par le 9/11 Truth Movement, mais il faut remarquer que les explications qu’il ne donne pas posent tout autant problème. Je ne suis parvenu à retrouver dans aucun de leurs écrits aucune analyse sérieuse d’Al Qaeda, du terrorisme islamiste ou de l’histoire contemporaine du Moyen Orient. L’explication la plus probable de ce phénomène est que, comme la plupart de leurs compatriotes américains, une grande partie d’entre eux ne s’est jamais vraiment préoccupé du Moyen Orient avant le 11 septembre. Pourtant, il est impossible de comprendre la menace terroriste si l’on ne comprend pas comment la chute de l’empire Ottoman, la fragmentation après la deuxième Guerre Mondiale d’une grande partie du Moyen Orient en de nouvelles nations aux frontières largement arbitraires, la réaction du monde musulman à la création d’Israël, la naissance du fondamentalisme islamiste, le conflit avec et l’influence de la Russie soviétique, ainsi que la frustration face au soutien américain à Israël ont façonné l’idéologie et les ambitions de groupes comme Al Qaeda. Les groupes terroristes islamistes ont émergé dans ce contexte, et ont activement et de manière répétée pris pour cibles les intérêts américains, depuis plus de deux décennies. L’idée selon laquelle des terroristes islamistes s’en prendraient à des bâtiments états-uniens est cohérente avec des événements récents des deux dernières décennies, dont : une attaque par la faction radicale Hezbollah de casernes de Marines au Liban en 1983. le détournement de l’Achille Lauro en 1985 une attaque au camion piégé du World Trade Center en 1993, qui avait tué 6 personnes et blessé plus de mille. une tentative déjouée de faire exploser 12 avions se rendant des Philippines aux États-Unis en janvier 1995. une attaque sur les tours Khobar en Arabie Saoudite en 1996, qui a tué 19 membres du contingent états-unien et blessé une centaine d’autres. l’explosion en 1995 des bâtiments des ambassades états-uniennes au Kenya et en Tanzanie, qui a tué 12 Américains et 200 kenyans et tanzaniens. une tentative avortée de Ahmed Ressam d’attaquer l’aéroport international de Los Angeles fin 1999 un attentat-suicide à la bombe contre le navire U.S.S. Cole le 12 octobre 2000, qui a tué 17 marins et blessé 39 autres [41].
Par ailleurs, il est nettement établi qu’Oussama Ben Laden a de manière répétée organisé et commandité des attentats contre les Etats-Unis. Son rôle en tant que bailleur de fonds pour d’importantes organisations terroristes et en tant que leader d’Al Qaeda est lui aussi bien établi. Ben Laden a en 1996 lancé une fatwa proclamant officiellement le jihad contre les Etats-Unis, et une seconde fatwa en 1998 spécifiait que « tuer les Américains et leurs alliés, militaires ou civils, est un devoir personnel pour chaque musulman qui est en mesure de le faire, dans n’importe quel pays dans lequel il est possible de le faire » [42]. Puisque Ben Laden et Al-Qaeda ont officiellement revendiqué les attaques du 11 septembre, et que les preuves pointent dans leur direction, il n’y a pas lieu de se mettre en quête de théories alternatives [43].
La meilleure explication des événements du 11 septembre est que c’était alors la plus récente et la plus destructrice au sein d’une série d’attaques conduites par des terroristes islamistes radicaux, qui veulent mettre un terme à ce qu’ils estiment être une politique extérieure états-unienne malfaisante. En tant que nation, nous n’étions psychologiquement et stratégiquement pas préparés à une telle attaque, du fait de notre incapacité à reconnaître le sérieux de la menace. Malheureusement, le 9/11 Truth Movement continue à détourner son regard des vrais problèmes, préférant la consolation par l’illusion à la réalité.
Cet article a analysé les arguments du 9/11 Truth Movement et les a trouvés déficients. Pourtant, les 400 personnes qui assistaient à la conférence et les milliers d’autres qui soutiennent leur activité trouvent ces théories convaincantes, et la raison ne réside pas forcément dans le fait qu’ils partagent une idéologie politique commune. Sur la base de mon analyse informelle de la foule présente à la conférence à l’hôtel Hyatt, j’ai constaté que les participants semblaient provenir des deux extrêmes du spectre politique. Il y avait des représentants de la droite extrême qui récusent toute forme d’autorité au gouvernement central, et des membres de la gauche radicale qui mènent infatigablement une campagne contre ce qu’ils perçoivent comme les méfaits du capitalisme et de l’impérialisme. Il faut donc revenir à une question posée au début de cet article : pourquoi tant de gens intelligents et pleins d’avenir trouvent-ils ces théories si séduisantes ?
Il y a plusieurs réponses possibles à cette question, aucune n’excluant les autres. Une des premières et des plus évidentes est la méfiance à l’égard du gouvernement américain en général, et de l’administration Bush en particulier. Cette méfiance n’est pas totalement sans fondement. Le gouvernement américain a trompé ses citoyens à propos du véritable coût humain de la guerre du Vietnam, et s’est reposé sur des tactiques militaires qui étaient moralement discutables même du point de vue des usages guerriers. Les révélations du Watergate, du scandale Iran/Contra, et d’autres petites et grandes machinations infâmantes ont considérablement érodé la confiance du public dans le gouvernement. Vous ajoutez à cela une administration qui est entrée en fonction après l’élection la plus controversée en plus d’un siècle, qui s’est mise en marge d’accords internationaux tels que le protocole de Kyoto, qui a trompé les citoyens à propos des données scientifiques relatives au réchauffement climatique et à la recherche sur les cellules souches, qui a engagé une guerre contre l’Irak sur la base d’indigents renseignements concernant des armes de destruction massive, et qui a échoué à répondre efficacement aux effets d’un cyclone en Floride, et vous avez de solides raisons d’être suspicieux [44]. (Vous l’aurez compris, l’admiration à l’égard de George Bush n’est pas ma motivation première pour le défendre face aux accusations des conspirationnistes).
Pourtant, il faut préciser certaines choses à propos de la suspicion. D’abord, il y a l’argument philosophique élémentaire selon lequel la suspicion en elle-même ne prouve rien. – toute théorie a besoin de preuves en sa faveur pour être prise au sérieux. Deuxièmement, les erreurs faites par notre gouvernement dans le passé sont qualitativement différentes d’une décision consciente de tuer des milliers de ses propres citoyens dans le but de justifier l’oppression d’autres. Et, plus important, il y a le fait que l’essentiel de ce que nous savons des mauvaises décisions de notre gouvernement est uniquement connu du fait de la relative transparence dans laquelle notre gouvernement opère, et de la liberté de répandre et de discuter ces informations.
La complète ironie de ce dernier point m’a frappé alors que j’étais à la conférence. Voilà un groupe de près de 400 personnes réunies pour discuter ouvertement des sales coups du gouvernement des Etats-Unis, qu’ils accusent de terribles atrocités commises dans le but de faire advenir un Etat policier. Mais si l’Amérique était un Etat policier avec de si terribles secrets à protéger, les brutes au gouvernement auraient à coup sûr donné l’assaut aux salles de conférence et arrêté les leaders du mouvement. Pourtant, même les leaders du 9/11 Truth Movement que l’on entend le plus se portent toujours à merveille, et personne à la conférence ne semblait particulièrement inquiet de représailles gouvernementales. Cela semble indiquer que, à partir d’un certain point, les conspirationnistes eux-mêmes ne semblent pas réellement croire à ce qu’ils racontent.
[1] Guillaume DASQUIE et Jean GUISNEL, L’effroyable mensonge. Thèses et foutaises sur les attentats du 11 septembre, Paris, La Découverte 2002.
[2] www.monde-diplomatique.fr/2006/12/COCKBURN/14270.
[3] http://www.skeptic.com/.
[4] Surnommé « Le cerveau de Bush », Karl Rove est depuis les années 1990 le principal conseiller politique de George W. Bush. (Ndt).
[5] « 9-11 : Debunking the Myths », Popular Mechanics, Mars 2005.
[6] HELLER David, 2005. “Taking a closer look : Hard Science and the Collapse of the World Trade Center”, Garlic and Grass numéro 6. Disponible sur http://www.garlicandgrass.org/issue6/Dave_Heller.cfm.
[7] « 9-11 : Debunking the Myths », Popular Mechanics, Mars 2005.
[8] Thomas EAGER et Christopher MUSSO, « Why did the World Trade Center collapse : Science, Engineering and Speculation », JOM, 53(12), 8-11.
[9] Ibid.
[10] Ibid.
[11] Steven JONES, « Why indeed did the WTC Buildings Collapse ? ». Disponible sur http://www.physics.byu.edu/research/energy/htm7.html.
[12] Un bon examen de cette question peut être consulté sur http://911myths.com/html/wtc_molten_steel.html.
[13] Cette affirmation peut être trouvée sur http://wtc7.net/b7fires.html.
[14] Interview du sauveteur Richard Banaciski, réalisée le 6 décembre 2001 et transcrite par Elisabeth F. Nason. Disponible sur http://graphics8.nytimes.com/packages/pdf/nyregion/20050812_WTC_GRAPHIC/9110253.PDF#search=%22Banaciscki%22.
[15] Ibid.
[16] http://www.loosechangeguide.com/LooseChangeGuide.html.
[17] « America Rebuilds », PBS Home Video, ISBN 0-7806-4006-3, est disponible sur http://shop.pbs.org/products/AREB901/.
[18] http://www.prisonplanet.com/011904wtc7.html.
[19] Une discussion avec des travailleurs spécialisés dans la démolition, autour de l’expression « pull it », se trouve sur : http://web.archive.org/web/20050327052408/http://home.planet.nl/~reijd050/911_my_own_review.htm#222.
[20] Voir « 9/11 revealed ? A New Book Repeats False Conspiracy Theories » , sur http://usinfo.state.gov/media/Archive/2005/Sep/16-241966.html.
[21] « World Trade Center Task Force Interview : Daniel Nigro”. Entretien effectué le 24 octobre 2001. Le texte de cet entretien est disponible sur : http://www.nytimes.com/packages/html/nyregion/20050812_WTC_GRAPHIC/Nigro_daniel.txt.
[22] « World Trade Center Task Force Interview :Richard Banaciski”. Entretien effectué le 6 décembre 2001, transcrit par Elisabeth F. Nason. Le texte de cet entretien est disponible sur : http://graphics8.nytimes.com/packages/pdf/nyregion/20050812_WTC_GRAPHIC/9110253.PDF#search=%22Banaciscki%22.
[23] Pour retrouver un tel argument, vous pouvez lire à peu près n’importe quoi sur http://prisonplanet.com/.
[24] Le rapport de la FEMA sur le WTC7 est disponible sur http://usinfo.state.gov/media/Archive/2005/Sep/16-241966.html.
[25] Thierry MEYSSAN, L’effroyable imposture, Paris, Carnot, 2002. Edition US : Pentagate (New York, USA Books, 2002)
[26] http://www.loosechangeguide.com/LooseChangeGuide.html.
[27] Transcription sur : http://transcripts.cnn.com/TRANSCRIPTS/0109/11/bn.35.html.
[28] « 9/11 : Debunking the Myths », Popular Mechanics, mars 2005.
[29] http://transcripts.cnn.com/TRANSCRIPTS/0109/11/bn.35.html.
[30] Ibid.
[31] http://www.loosechangeguide.com/LooseChangeGuide.html.
[32] L’affirmation selon laquelle le vol 5 s’est posé paisiblement se trouve sur http://www.rense.com/general56/flfight.htm. L’affirmation selon laquelle il a été détruit par un missile se trouve sur http://www.serendipity.li/wot/pop_mech/shanksville.htm.
[33] Une analyse de la confusion entre les deux avions se trouve chez Kropko, « September 11 Tension Vivid to Controller », Associated Press, 15 Août 2002. Cette histoire est aussi disponible en ligne sur http://www.enquirer.com/editions/2002/08/15/loc_sept_11_tension.html.
[34] « 9/11 : Debunking the Myths », Popular Mechanics, mars 2005.
[35] Une affirmation de ce type peut être trouvée sur http://911research.wtc7.net/essays/pm/.
[36] « 9/11 : Debunking the Myths », Popular Mechanics, mars 2005.
[37] En langage boursier, un « put » est une option de vente, qui donne le droit, mais pas l’obligation, de vendre un produit support (un panier d’actions, une action…) à un prix fixé à l’avance et pendant une période déterminée [NdT]
[38] Voir « AMR Corp Issues 3Q’ 2001 Profit Warning », dans Airline Industry Information, 11 Septembre 2001. Disponible sur http://www.highbeam.com/library/docFree.asp?DOCID=1G1:78127985. Pour une évaluation générale et contemporaine de la viabilité du secteur de l’aviation dans les mois précédent le 11 septembre, voir Adam HAMILTON, « Plummeting Profits », Zeal Speculation and Investment, 22 juin 2001, disponible sur http://www.zeallc.com/2001/plummet.htm..
[39] Stephanie SCHOROW, « Independant research », Boston Herald (Art and Life),5 septembre 2002.Un enregistrement sonore du témoignage de Kenney peut être entendu sur http://www.snopes.com/rumors/sound/kenney.ram.
[40] Ibid.
[41] Cette liste se fonde sur des informations trouvées dans Steven STRASSER (ed.), The 9/11 Investigations : Staff Reports of the 9/11 Commission, New York, Public Affairs Books, 2004. On peut trouver plus d’informations sur l’islamisme radical dans Ahmed RASHID, Taliban : Militant Islam, Oil and Fundamentalism in Central Asia, New York, Yale University Press, 2001.
[42] Cette citation peut être retrouvée dans de nombreuses sources, dont Steven STRASSER (ed.), The 9/11 Investigations : Staff Reports of the 9/11 Commission, New York, Public Affairs Books, 2004.
[43] David BAMER, « Ben Laden : Yes, I did it », The Telegraph, 11 novembre 2001.
[44] Une source parmi tant d’autres pour étayer ces informations est Eric ALTERMAN et Mark GREEN, The Book on Bush : How George W. (Mis)leads America, New York, Penguin Books, 2004.
[45] Cet article hilarant est consultable sur http://www.theonions.com/content/node/28079.
[46] Thomas PYNCHON, Gravity’s Rainbow, New York, Viking Press, 1973.
[47] Voir, par exemple, « Absent Without Leave », sur les Urban Legends Reference Pages : http://www.snopes.com/rumors/israel.htm.
vendredi 5 septembre 2008
Un shoot d'Exception
Ca s'appelle Exception, et c'est sans doute le plus dingue et le plus beau des shmup qui me soit tombé entre les doigts. Même les shoot hallucinogènes de chez Kenta Cho (Torus trooper forever !) ne peuvent rivaliser avec le moteur graphique et la densité de ce petit chef d'oeuvre. Sorte d'Asteroid new age, Exception vous propose de flinguer du cube, encore du cube, toujours du cube, jusqu'à mettre votre bécane à genoux. C'est gratuit et ça se télécharge ici.
Martyrs un jour, sans retour....
Sans surprise, la chose démarre bien, revenge movie style, avant de partir à vau-l'eau et de sombrer dans la pire des justifications : l'argument métaphysico-pouêt-pouêt-me-voilà. Le jour où nos cinéastes de genre se borneront à entrer dans la cour carrée du bis efficace et cesseront de s'embarquer dans des délires post-kubrickiens revisités à la sauce Dreyer, on aura fait un grand pas en avant. Messieurs les producteurs, faites votre taf : cadrez moi tout ça !
Et encore, ce n'est rien à côté de l'abominable (j'insiste sur le minable) Vinyan de Du Welz. Vinyan, c'est un peu Blueberry en Birmanie, un trip migraineux qui désamorce tous ses effets à force d'en rajouter : infra-basses, délire sous acide, outrance systémique. Le cinéma de genre à son plus haut niveau d'artifices péteux. Besoin d'une cure de Predator et de Sans Retour moi...
vendredi 29 août 2008
Be Happy (paupere spiritu)
Tout « auteur » qu'il soit, Mike Leigh ne s'est jamais départi d'une certaine posture neuneuisante. Ainsi de la bonté sacrificielle de Vera Drake ou du misérabilisme rayonnant d'All or Nothing. Mais ce qui n'était jusqu'alors qu'un détestable travers est devenu système, dépassant largement dans Be Happy la dose prescrite de béatitude. L'argument ? Poppy, une institutrice excentrique et hilare, qui a décidé de mettre son entourage sous perfusion d'ataraxie. Sorte de croisement irresponsable entre Amélie Poulain et Odette Toulemonde, cette tornade psychanalyse son moniteur cyclothymique, devise benoitement avec les clodos, biffe tout d'un grand éclat de rire, persuadée de l'efficacité curative de sa positive attitude. Et pas un sniper pour l'abattre.
Sans doute shooté aux bisounours, le jury du dernier festival de Berlin a salué la composition de Sally Hawkins d'un prix d'interprétation. C'est que, vous comprenez, derrière les gloussements crispants de Poppy sourdrait la plus belle des philosophies : mieux vaut en rire qu'en pleurer. Tentant en effet. Mike Leigh, sans doute las de cadrer systématiquement des larmoiements diluviens, leur préfère cette fois l'histrionisme d'une délurée congénitale. Même s'il fait mine de se draper dans des oripeaux de commentaires sociétaux (on se refait pas), c'est avant tout Poppy et son rapport débilitant au monde qui l'intéressent. Mais avec un personnage univoque pour point focale, comment voulez-vous que Be Happy se trouve un horizon, accumule autre chose que des espiègleries redondantes, dégage des enjeux un tant soit peu solides ? Surplace narratif et philo prisunic : on en viendrait presque à regretter le pathos expiatoire des précédents Leigh. Du film ne reste finalement en mémoire qu'une litanie irritante, qu'une succession de tableaux aussi couillons qu'inoffensifs : Poppy à l'école, Poppy à la plage, Poppy apprend à conduire, Poppy et ses copines... Gaffe à l'embolie quand même.
mardi 26 août 2008
Voyage au centre de la terre 3D
Membres de l'amicale du blockbuster dégénéré, Voyage au centre de la Terre - 3D ne vous réjouira qu'à moitié. En lieu et place de l'adaptation shootée aux pixels attendue, nous voilà face à une impayable croûte numérique, sorte d'objet migraineux coincé quelque part entre les bidouillages acidulés de Spy kids et le Futuroscope. (la suite ici)
lundi 25 août 2008
X-Files regeneration : croyez et vous verrez
Ultime soubresaut d'une série exsangue, X-files regeneration (I want to believe en v.o.) n'a rien de cette conclusion majuscule que certains fantasmaient. Il s'agit moins ici de solder les comptes de la saga que d'en prendre le pouls. Mais pour goûter sa beauté hivernale, encore faut-il dépasser une intrigue dégénérée à base de mutants bicéphales, de Frankenstein des Carpates et de pythie pédophile. Ce n'est qu'une fois ces McGuffin ingurgités que poignent les enjeux véritables, entre remise en question et amours contrariées. (la suite ici)
Shaolin Basket : Dunken master
Sortir Shaolin basket au moment précis où la Chine écrase ses J.O. tient autant du coup commercial que du pied de nez sportif. Dopés les Chinois ? Oui, mais seulement au kung-fu. Dans le sillage de Stephen Chow qui avait transformé nos bons vieux terrains de foot en tatamis de la déconne (Shaolin soccer), Kevin Chu s'attaque aux parquets avec la fureur de vaincre. Dunks surréalistes, trois points à l'aveugle, contres à coup de high-kick... A un suffixe près, le programme spolie Shaolin soccer dans les grandes largeurs. Le savoir-faire en moins... (la suite ici)
samedi 26 juillet 2008
Wall-E : vers l'infini et au-delà
Après deux Brad Bird virtuoses et un Lasseter aux accents fordiens, Pixar retrouve Andrew Stanton, talent singulier déjà à l'oeuvre sur Nemo et Monstres et Cie. Aux arcs narratifs sans faille des autres fleurons du studio, les Stanton opposent d'étranges structures spiralées où l'impression de surplace le dispute à l'art de l'abstraction : le gruyère spatio-temporel de Monstres et Cie, l'acosmie de Nemo, le ruban de Moebius de WALL-E... Sous son vernis d'alu brossé, le petit dernier estomaque d'ailleurs par sa capacité hors norme à synthétiser débords graphiques et audaces conceptuelles. Plaisirs des matières, splendeurs du vide et logique circulaire, WALL-E défie la pesanteur à coup d'arabesques.
Si le studio n'a pas son pareil pour enchaîner les classiques sans faux pas, atteignant, au pire, à une perfection artisanale qui laisse pantois (le mineur Ratatouille), c'est bien le degré supérieur que l'on guette, ces objets radicaux capables d'ébranler les hiérarchies. Fluctuant tout du long entre minimalisme et dilatation, WALL-E est de ce cénacle. On y suit le dernier robot sur Terre, un tas de boulons naïf et gaffeur qui, s'amourachant d'une droïde oblongue, s'envole pour les étoiles et sauvera l'humanité. Il faut voir comme d'une première partie quasi muette et statique (sur Terre) l'on passe dans la seconde (dans l'espace) à une double logique de saturation. Saturation des trajectoires qui noie le spectateur dans une symphonie de mouvements ; saturation narrative qui éreinte comme jamais les potentialités d'un mcguffin à la chlorophylle. Même l'intouchable Monstres et Cie ne peut prétendre à un tel emballement cinétique...
C'est que WALL-E obéit, on le disait plus haut, à une logique circulaire qui va en s'accélérant. Soumis à leurs algorithmes, les robots sont incapables de décisions et d'actes autonomes ; par ricochets, le film non plus. Bloquée en mode repeat dans le vaisseau, l'intrigue bégaie, certaines scènes et gags se répètent, comme si tout était programmé pour suivre des vecteurs pré-établis. Tout l'enjeu de WALL-E consistera dès lors à sortir les objets de leurs rails, à extraire le film du ruban, à s'échapper de la boucle pour mieux prendre la tangente. Buster Keaton, M. Hulot et Peter Sellers n'auraient pas renié l'invité maladroit et muet qui va transformer ce bel ordonnancement en anarchie généralisée. Véritable bug dans la matrice, Wall-E va s'infiltrer en un lieu codifié puis saper ses fondements en refusant de s'y conformer. Ordre, mouvements et chaos : jamais dans l'histoire de l'animation le rapport du corps à l'espace n'a paru si crucial.
Soyons clairs : le penchant de Pixar pour le vertige trouve dans WALL-E un point d'achèvement. Du chapitre terrestre, sidérant traité sur la solitude, au délire mécaniste de la partie spatiale, Stanton transcende le pouvoir hypnotique des images de synthèse par sa seule mise en scène. Une ambition formelle d'autant plus bouleversante qu'elle rejoint en bout de course le sens profond de cette aventure interstellaire et humaniste : dans WALL-E, la ligne d'arrivée marque le point de départ, la fin de l'histoire le début d'une autre. Compteurs à zéro, les yeux dans les cieux, direction l'infini et au-delà...
mercredi 9 juillet 2008
Braqueurs amateurs ?
Moi qui croyais Roger Donaldson catatonique, voilà que le cinéaste ressuscite le temps d'un film de casse de haute volée. Braquage à l'anglaise que ça s'appelle, traduction débile de Bank Job et référence opportuniste à Braquage à l'italienne, sombre daube avec M. Whalberg et C. Theron qui, pour une raison encore inconnue, a marché en DVD. Braquage à l'anglaise disais-je embarque l'inestimable Jason Statham et la délicieuse Safron Burrows dans un cambriolage emberlificoté au possible (et vrai me signale-t-on dans l'oreillette). C'est bien simple : le résultat enterre les pauvres poseurs d'Ocean, expédie ad patres l'has been Guy Ritchie, sans même parler d'une certaine comédie franchouille signée d'un ex Robin des bois... Donaldson la joue carré, avec ce petit soupçon de vice graphique qu'on ne lui connaissait pas du temps de sa période américaine : topless en pagaille, ultra-violence... On lui pardonnera d'autant mieux son léger abus des filtres jaunes (ça reste loin d'Ocean's 13) et ses plans à bulles cassées, grigris qui pourraient participer de l'ambiance mais finissent par virer au système esthétique. Qu'importe. Il y avait trop longtemps qu'un réal bien charpenté ne s'était pas lové dans les codes rebattus des films de casse pour faire la fine bouche.
Ca sort le 6 août et je reviens très vite dessus.
jeudi 19 juin 2008
Speed Racer : fractal fury
Car les frères Wachowski transcendent ce rapport à la couleur par une approche fondamentalement novatrice de leur medium. Comme avec Matrix, les frères Wachowski agrègent un monceau de références post-modernes au dernier cri de la technologie, mais optent cette fois pour le shoot hallucinogène plutôt que le précis de philosophie. Speed Racer convoque le superflat de Murakami (ici), l'esthétique manga, la culture otaku, F-Zero GX (ici), les gimmicks du rétro-futurisme... soit un formidable maelström de chevauchements culturels qui largue définitivement les amarres avec le tout-venant cinématographique. Le résultat est ahurissant, à la fois sans profondeur de champ et d'une vitesse stupéfiante, totalement barré et constamment cohérent, comme maintenu en sur-régime par des réalisateurs résolus à dépasser les bornes. Dans le genre jusqu'au-boutiste, on n'avait pas vu ça depuis le Time and Tide de Tsui Hark.
Time and tide, temps et flux, voilà très exactement ce à quoi carbure Speed Racer. Au-delà de leur but avoué (réaliser le premier dessin animé live), les frères Wachowski ont accouché d'un film-mutant en perpétuelle recomposition, d'une oeuvre-fractale qui se déploie sous nos yeux. Plié et replié sur lui-même, l'espace-temps en prend un coup : durant la course d'introduction, passé, présent, lieux et espaces se recouvrent et s'imbriquent en une symphonie visuelle inédite. Et éclatante. Les visages et objets servent de volet de transition, balaient l'écran pour dévoiler la scène suivante, comme si le film n'était qu'un seul et unique plan-séquence immarcescible. Les règles ancestrales du montage en ressortent violées (jamais la règle des 180° n'a subi pareils outrages), les réalisateurs préférant aux cuts traditionnels et à la sacro-sainte cohérence spatiale des solutions novatrices à base de travellings ultra-rapides ou d'inserts coulissants. L'air de rien, nous voilà face à une petite révolution conceptuelle : le découpage perd dans Speed Racer son rôle de super-structure organisationnelle pour désormais s'intégrer à l'intérieur du film comme un élément chorégraphique à part entière. Après un bullet-time trop superfétatoire pour survivre à l'effet de mode, cet edit-time ouvre un hallucinant champ narratif au 7e Art, et ce par la seule entremise de l'effet spécial.
Une filiation entre SFX et cinéma encore renforcée vers la fin du film, dans une course ultime à bien des égards. A peine lancés, que les bolides frôlent déjà les 600 km/h, enchaînant boucles et virages au ras des rails comme des asymptotes en fibres carbone. C'est alors qu'apparaîssent au second plan, peintes sur le muret de la piste, les images successives d'un zèbre , un zèbre au galop, mis en mouvement grâce à la vitesse vertigineuse imprimée par les frangins... Alors que l'intro débutait par des images de course en flip-book (ici) pour mieux basculer dans la synthèse pure, le point d'orgue convoque directement le zoopraxiscope (ici) d'Eadweard Muybridge (ici), précurseur ignoré du cinématographe qui avait posé les bases de l'effet bullet-time dès 1878. En reconnectant leur révolution cinémanimée à l'imagerie primitive du cinéma, les Wachowski font allégeance tout en se positionnant comme héraut, dans le prolongement d'une tradition de cinéastes-expérimentateurs. Leur finale orgasmique, kaléidoscope de flashs et de couleurs, de sons et d'émotions, dépasse ainsi en démence et en vitesse d'exécution ce que l'on a pu voir par ailleurs. Comme dans ce plan-symbole où la Mach 6 arrache littéralement le bitume de l'image, puis l'image elle-même pour ne laisser qu'une peinture en tâche d'huile, Speed Racer fusionne alors en une pure abstraction et illustre finalement la confession d'une mère admirative à son fils vituose : "Quand tu pilotes, ce n'est plus seulement de la course ; c'est de l'art."